Qu’est-ce qu’un seuil de perception? Pourquoi ce seuil est-il différent chez chaque individu? Pourquoi est-il est important de le définir, de le connaître et de connaître ses sensibilités aux saveurs? Et enfin comment définir son propre seuil de perception des saveurs et modifier ses sensibilités par rapport à celles-ci?
Dans cet article1, je réponds à ces questions et je donne également des exercices pratiques pour connaître son propre seuil de perception des saveurs et s’entraîner sur ses sensibilités aux saveurs afin de devenir un meilleur dégustateur. C’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, que j’ai déjà abordé brièvement dans l’article Comment bien déguster un vin? , et qui se devait d’être expliqué plus en détails.
Qu’est-ce qu’un seuil de perception?
Un seuil de perception c’est en fait la limite à partir de laquelle on perçoit une odeur, un arôme ou une saveur en bouche2, qu’on l’identifie et qu’on peut la nommer. Ce seuil de perception sera différent d’une personne à l’autre.
Il est important aussi de ne pas confondre seuil de perception, d’acceptation et de rejet. Le seuil d’acceptation c’est la quantité maximale pour laquelle l’odeur, l’arôme ou la saveur est jugée agréable. tandis que le seuil de rejet c’est la limite à partir de laquelle on juge l’odeur, l’arôme ou la saveur désagréable. Ces seuils sont également différents chez chaque individu.
La perception des saveurs lors d’une dégustation de vin
J’aborde dans cet article les principales saveurs que l’on détecte lorsque qu’on déguste un vin. Ces saveurs sont: l’acidité, l’amertume, le salé et le sucré, mais il existe d’autres saveurs.
- Le sucré donne une impression de douceur, de rondeur en bouche.
- Le salé (moins souvent perçue à la dégustation) donne une sensation de fraîcheur et relève la sapidité du vin.
- L’acidité fait saliver et apporte une sensation de fraîcheur en bouche.
- L’amertume provoque un resserrement des muqueuses.
Pourquoi le seuil de perception est-il différent chez chaque individu?
Chaque personne a une sensibilité plus ou moins grande aux principales saveurs ainsi qu’un seuil de perception qui lui est propre. Ces différences sont innées, génétiques et plusieurs expériences scientifiques en témoignent.
Par contre, il est important de noter qu’avec de l’entraînement, on peut modifier ses sensibilités à chacune des saveurs.
Pourquoi est-ce important de définir son seuil de perception des saveurs?
Définir son seuil de perception des saveurs permet d’apprendre à mieux se connaître et permet de s’améliorer en tant que dégustateur. Cela permet par la suite:
- d’entraîner sa sensibilité à certaines saveurs;
- de mieux analyser un vin;
- d’être un dégustateur plus neutre et objectif;
- de mieux se préparer à déguster des vins à l’aveugle.
Quand on souhaite développer ses compétences à la dégustation, il est essentiel de retenir qu’il est non seulement important de connaître les vins et leurs caractéristiques mais également de bien se connaître.
Comment définir son seuil de perception? (exercice pratique)
Pour les 4 saveurs, le principe de base sera toujours le même. Il faut préparer des solutions dans plusieurs verres d’eau, de préférence de l’eau de source (non minérale ou peu minérale) dans lesquelles on dilue l’élément ajouté pour détecter chaque saveur. Le but de l’exercice est de savoir à partir de quel seuil on perçoit réellement la saveur. La plus faible concentration détectée sera notre seuil de perception.
1. La saveur sucrée
On prépare 6 verres avec les quantités suivantes de sucre dilué: 0,5g/l, 1g/l, 2g/l, 4g/l, 8g/l, 16g/l.
La plus faible concentration de sucre détecté sera notre seuil de perception. Dans l’ouvrage Le goût du vin1, 1 g de sucre par litre est le seuil d’identification pour 50% des personnes et 3,7 g de sucre par litre est le seuil d’identification pour 90% des personnes.
2. La saveur acide
On prépare 5 verres avec les quantités suivantes d’acide tartrique alimentaire (que l’on peut trouver dans des magasins de cuisine ou sur Internet): 0,062 g/l, 0,125g/l, 0,25g/l, 0,5g/l et 1 g/l.
La plus faible concentration d’acide détecté sera notre seuil de perception. Dans l’ouvrage Le goût du vin1, 0,1 g/l est le seuil d’identification pour 50% des personnes et 0,2 g/l le seuil d’identification pour 90% des personnes.
3. La saveur amère
On prépare 4 verres avec les quantités suivantes de Schweppes Tonic (qui contient de la quinine): 0,875 mg/l, 1,75 mg/l, 3,5 mg/l et 7 mg/l.
La plus faible concentration d’amertume détectée sera notre seuil de perception. Dans l’ouvrage Le goût du vin1, l’expérience a été menée avec du sulfate de quinine et la quantité de 1 mg de sulfate de quinine par litre est le seuil d’identification pour 50% des personnes et 3,5 mg/l le seuil d’identification pour 90% des personnes.
4. La saveur salée
On prépare 6 verres avec les quantités suivantes de sel de cuisine (chlorure de sodium): 0,1 g/l, 0,2 g/l, 0,4g/l, 0,8 g/l, 1,2g/l et 2,4 g/l.
La plus faible concentration de sel détecté sera donc notre seuil de perception. Dans l’ouvrage Le goût du vin1, 0,2 g/l est le seuil d’identification pour 50% des personnes et 0,45 g/l le seuil d’identification pour 90% des personnes.
Conseils et exercices pratiques
L’exercice proposé ci-dessus est chronophage. On peut donc le scinder en plusieurs fois, en ciblant une saveur différente pour chaque séance. On peut profiter de cet exercice d’identification de nos seuils de perception pour noter nos ressentis, noter la façon dont on perçoit la saveur en bouche et comment notre salive réagit. De la sorte, on se familiarise avec les saveurs et on ancre les sensations dans notre mémoire afin de mieux les repérer à la dégustation.
Enfin, une fois que l’on connaît nos seuils de perception, on peut s’entraîner pour modifier notre sensibilité à ces différentes saveurs.
Deux types d’entraînement sont possibles:
- On réitère l’exercice des seuils de perception, avec verres différentes concentrations de saveurs dans des verres d’eau.
- On consomme des aliments qui sont plus concentrés dans l’une ou l’autre saveur. Exemples: le café noir pour l’amertume ou le jus de citron dilué dans de l’eau pour l’acidité.
1 Cet article s’appuie sur les données et informations de l’ouvrage suivant: E. PEYNAUD et J. BLOUIN, Le goût du vin, Ed. Dunod.
2 Dans cet article, j’aborde uniquement les seuils de perception des saveurs.